En cette période où le temps semble suspendu, les Chroniques en temps de COVID-19 en profitent pour aborder les problèmes de notre société
Les pandémies sont identifiées et donc prévues dans les livres blancs sur la défense et la sécurité nationale de 2008 et 2013.
Malgré cela la pandémie de COVID-19 n’a pas été anticipée. Pire une série de biais dans sa gestion a conduit à une perte de confiance des citoyens dans leurs dirigeants.
Rien n’indique qu’à l’issue de cette crise nous serons plus aptes à faire face un futur événement improbable, cygne noir ou non.
Peut-être avez-vous entendu parler de cygne noir à propos de la pandémie de COVID-19 qui nous frappe actuellement.
La théorie du cygne noir a été développée par Nassim Nicholas Taleb1 pour caractériser des événements imprévisibles avec une faible probabilité d’advenir, mais qui ont des conséquences énormes s’ils se réalisent.
Alors notre pandémie de la COVID-19 est-elle un cygne noir ?
Non car elle était prévisible, elle était même prévue.
Prévue, comment cela ?
Dans le livre blanc de la défense 20082
Les désorganisations sociales majeures que peuvent provoquer les nouveaux types d’épidémies ou les accidents climatiques violents font partie des risques d’ampleur nouvelle qui pèsent sur la collectivité nationale.
Et dans le livre blanc de la défense 2013 également3
Même si nous renforçons la protection de nos frontières, aucune n’est parfaitement étanche, en particulier dans un monde globalisé caractérisé par des flux constants de personnes, de marchandises et d’informations. Une épidémie peut devenir pandémie si elle n’est pas enrayée dès l’origine.
Nous sommes donc en présence d’un événement prévu mais pas anticipé parce qu’il nous paraissait improbable. Ça n’est donc pas un cygne noir, dommage ça aurait été plus confortable, mais nous refusons de croire ce que nous savons
Comment avons-nous pu en arriver là ?
On peut expliquer par une série de biais.
Avant la pandémie
Nous ne nous sentions pas concernés par une maladie survenue en Chine, pays si éloigné culturellement et géographiquement de nous.
Nous étions persuadés que notre système de santé que nous pensions encore être le meilleur du monde nous tenait à l’abri d’une pandémie non maîtrisée
SRAS-CoV en 2003, MERS-CoV en 2012, nous étions passés à travers les mailles du filet, pourquoi se remettre en cause cette fois-ci
Et puis dans l’incertitude quel intérêt à anticiper, nous avons tous en tête l’épisode des vaccins pour la grippe H1N1
Pendant la pandémie
La mise en place d’un comité scientifique restreint de 11 personnes et le choix des disciplines retenues font que les recommandations émises renforcent les choix qui ont présidé à la constitution de ce comité, rien de plus.
Les choix du gouvernement sont les meilleurs, inutile donc d’impliquer les instances démocratiques, on règne par ordonnances, tout au plus se rend-on devant le parlement ou le sénat pour lui présenter les mesures qui ont déjà été décidées.
À force d’entre-soi, on se persuade que l’on est sur la seule bonne voie possible. On en vient à croire que tout le monde est derrière vous et on se prive des débats et des nécessaires contradictions qui nourrissent la science.
Mensonges, menaces, contrôles, sanctions donnent l’illusion de contrôler la situation. En fait, à aucun moment, le gouvernement n’a fait confiance aux citoyens. Or la confiance repose sur la réciprocité et donc, par effet boomerang, le gouvernement a perdu la confiance des citoyens.
Que ce soit le gouvernement ou ses opposants, tout le monde fait force références à telle ou telle expérience, distribution massive de masques, application de traçage, campagne de tests intensive qui s‘est déroulée dans tel ou tel pays Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Suède, au choix. Mais en ne regardant par le petit bout de la lorgnette que tel ou tel aspect qui nous convient et en occultant que ce n’est qu’un élément d’un système complexe voire en ignorant les atteintes aux libertés individuelles.
Un effet secondaire de cette pandémie aura été une épidémie fulgurante d’effet Dunning-Kruger, vous savez, cet effet qui amène les personnes les moins compétentes à surestimer leurs compétences et les plus compétentes à les sous-estimer.
Après la pandémie
Les économistes nous prédisent une crise. Cette crise débouchera-t-elle sur une consolidation des systèmes qui ont limité la casse, ou aboutira-t-elle sur une nouvelle vision du monde avec de nouvelles règles du jeu pour ceux qui pensent que ce sont ces mêmes systèmes qui en sont responsables ?
Hélas, « Les prédictions sont difficiles surtout lorsqu’elles concernent l’avenir » dit le proverbe
Normalement, à l’issue d’une crise on réalise un RETEX4 (retour d’expérience) afin d’être mieux armé la prochaine fois, espérons que dans l’euphorie de la sortie de crise nous ne l’oublierons pas.
Une fois cette crise passée, nous constituerons vraisemblablement des stocks de masques et de vaccins. Mais nous ne serrons pas davantage préparés à la survenue d’un autre événement improbable qu’il soit de nature épidémiologique, industrielle, économique, sociétale, environnementale ou autre.
Et qu’adviendrait-il si un véritable cygne noir survenait ?
Bibliographie
1. Nassim Nicholas Taleb. Wikipédia (2020).
2. Mallet, J.-C. Defense et Securite nationale : le Livre blanc | Vie publique.fr. https://www.vie-publique.fr/rapport/29834-defense-et-securite-nationale-le-livre-blanc (2008).
3. Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. http://www.livreblancdefenseetsecurite.gouv.fr/index.html (2013).
4. Retour d’expérience. Wikipédia (2020).
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