Refus d’une MIE, un rendez-vous raté avec la démocratie

Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen - Bibliothèque nationale de France

On peut voir dans la disposition du conseil municipal de Pont-Péan en réunion une allégorie de la situation démocratique dans la commune. Le maire et ses adjoints sont alignés à l’emplacement le plus éloigné du public et tournent le dos à déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affichée au mur.

En refusant de mettre au vote un amendement qui demandait l’instauration d’une Mission d’Information et d’Évaluation sur la gestion du projet de la mine, le maire et son équipe ont une fois de plus « raté » un rendez-vous avec la démocratie.

Ôtons les œillères, sortons de la polémique stérile dans laquelle on voudrait nous enfermer et défendons la liberté d’expression, un des principes fondamentaux de la démocratie.

Pourquoi cette demande ?

Le projet proposé par l’équipe vainqueur de l’élection reposait sur l’étude du Cabinet Médiéval, il proposait différentes prestations dont le rez-de-chaussée du bâtiment du XIXe dédié à un musée de la mine et un tiers-lieu dans la médiathèque. Le coût du projet était alors estimé lors de l’APS1 à 2,85 M€ HT. C’est donc sur cette promesse que l’équipe en place a été élue.
Les 796 voix recueillies par l’équipe majoritaire lors de l’élection municipale de 2020 lui confèrent un score de 51,48 % des scrutins exprimés, leur victoire n’est donc pas contestable. Mais ces mêmes 796 voix ne représentent que 23,75 % des inscrits2. Ils sont donc représentatifs de moins d’un Pont-Péannais sur quatre.
Devant de tels résultats, l’autocrate considère que l’onction du suffrage universel lui confère omniscience et omnipotence quand le démocrate se sent redevable et responsable devant les citoyens pour les décisions à venir.

Projet de la Mine : dérapage non contrôlé

Avant même que les travaux ne soient commencés3, le projet a totalement dérapé, les coûts ont explosé, en abandonnant simultanément le musée et sa destination touristique au sein de Rennes-Métropole, le tiers-lieux pour le bien-vivre ensemble des pont-péannais et bien d’autres prestations, pour atteindre des coûts estimés, avec beaucoup de renoncements, à plus de 7,40 M€ TTC en mars 2024. Il faudra y ajouter les inévitables et prévisibles dépassements4 liés aux aléas des travaux sur de l’ancien qui ne manqueront pas de subvenir.

À aucun renoncement, à aucune augmentation du budget, les citoyens pont-péannais n’ont été consultés sur l’opportunité de continuer dans des conditions qui engagent, sans perspectives, sauf la gestion ordinaire, l’avenir de la commune sur plusieurs décennies avec d’inévitables augmentations d’impôts pour les mandatures à venir pour y faire face.
Les citoyens n’ont reçu de surcroît aucune explication sur les raisons des retards – en avril 2024 la première pierre qui devait être posée en 2021 n’est toujours pas en place – pas plus que des justifications effectives des augmentations colossales constatées que ne sauraient expliquer la seule conjoncture. Il y a donc bien plus largement aussi des interrogations sur la gestion du projet qui aurait mérité d’être examinées par une représentation mixte où le citoyen pont-péannais avait aussi sa place. Cette mission aurait eu l’avantage d’évaluer la pertinence de poursuivre ou non le projet au regard des autres projets abandonnés5 qui avaient pour vocation de favoriser le « vivre ensemble » et d’impulser la création de lieux de cohésion sociale.

Le projet d’aujourd’hui, que ce soit en termes de prestations ou de coûts, n’est plus celui pour lequel l’équipe en place a été élue mais bien celui d’une dérive qui ne remplit plus les fonctions initiales promises (musée, tiers-lieux…)6.

Il m’a donc semblé donc indispensable, en toute légalité selon l’article 15 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de fournir des informations et analyses fiables aux Pont-Péannais et de s’enquérir de leur avis sur un projet aussi structurant et impactant pour la vie de la commune pour les décennies à venir. J’ai donc déposé une demande d’amendement pour la création d’une Mission d’Information et d’Évaluation lors du vote du budget qui m’a été refusée d’autorité par le Maire seul, sans consultation même du Conseil municipal.

La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.


Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789 –
Article 15

Qu’est-ce qu’une MIE ?

Ce que nous dit le Code Général des Collectivités Territoriales :

Dans les communes de 20 000 habitants et plus, le conseil municipal, lorsqu’un sixième de ses membres le demande, délibère de la création d’une mission d’information et d’évaluation, chargée de recueillir des éléments d’information sur une question d’intérêt communal ou de procéder à l’évaluation d’un service public communal. Un même conseiller municipal ne peut s’associer à une telle demande plus d’une fois par an. Aucune mission ne peut être créée à partir du 1er janvier de l’année civile qui précède l’année du renouvellement général des conseils municipaux. Le règlement intérieur fixe les règles de présentation et d’examen de la demande de constitution de la mission, ses modalités de fonctionnement, les modalités de sa composition dans le respect du principe de la représentation proportionnelle, la durée de la mission, qui ne peut excéder six mois à compter de la date de la délibération qui l’a créée, ainsi que les conditions dans lesquelles elle remet son rapport aux membres du conseil municipal.


CGCT – Article L2121-22-1

Pourquoi une MIE plutôt qu’une commission ?

Le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) prévoit la possibilité de créer des commissions temporaires. Mais à la différence avec une Mission d’Information et d’Évaluation le maire est président de la commission d’office, il serait donc juge et partie, c’est pourquoi la MIE a semblé plus adaptée à la situation.

Quels étaient les attendus de la MIE

  • de comparer le niveau de prestations proposées au regard la promesse initiale (étude Médiéval)
  • d’évaluer les méthodes de gestion de projet mise en œuvre
  • d’identifier les éventuelles opérations de lobbying et leurs auteurs ainsi que de mesurer les éventuels liens de dépendance entre les gestionnaires du projet et les lobbyistes
  • de consolider ou redéfinir le périmètre du projet
  • d’évaluer la pertinence de poursuivre le projet.

Tout ceci était évidemment amendable comme précisé dans le courrier, présentant l’amendement MIE envoyé à l’ensemble des élus.

Deux visions différentes de la gouvernance

La vision démocratique

Selon l’article 5 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, inscrite en préambule de notre constitution, « ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché »:

La loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêc, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.


Déclaration des droits de l’homme et du citoyen 1789 – article 5

La vision de Monsieur le maire

Hélas, au plus près de chez nous, dans nos communes, nous ne sommes pas à l’abri de pratiques peu démocratiques sur le mode : « Ce qui n’est pas explicitement autorisé est interdit ».

En affirmant que le Code Général des Collectivités Territoriales ne permettait pas de mettre en place une Mission d’Information et d’Évaluation dans les communes de moins de 20 000 habitants, c’est à ce type de lecture des textes que Monsieur le maire s’est livré ce 25 mars pour refuser de mettre au vote la demande d’amendement régulièrement déposée par un conseiller municipal.

Le démocrate est-il celui qui expose sa vision au débat ou celui qui rejette le débat ?

Rejet arbitraire de l’amendement

Selon une interprétation démocratique des textes, la mise en place d’une MIE était donc tout à fait possible et l’amendement aurait dû alors être soumis au vote. On aurait pu en débattre démocratiquement, le scrutin aurait permis de compter les pour et les contre et d’aboutir à la création ou non d’une MIE.

Pour qui suit les conseils municipaux, il est évident que les résultats des votes au sein de la majorité sont pour le moins « peu nuancés », la stratégie de vote consistant généralement à acquiescer selon la consigne préalable à respecter et à voter comme le leader.

L’équipe majoritaire ne courrait donc pas grand risque à sacrifier à la démocratie, une superbe occasion manquée !

Abdiquer de son pouvoir de jugement, c’est s’installer dans un monde de préjugés, de clichés et de propos convenus qui est le berceau du totalitarisme

Hannah Arendt

Peut-on retrouver la démocratie au sein du conseil municipal de Pont-Péan ?

La réponse nous est donnée par un jeune homme de seize ans, Étienne de la Boétie :

Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre


Discours de la servitude volontaire – Étienne de la Boétie

La solution est dans les mains de l’équipe majoritaire. La démocratie ce n’est pas la façon dont on arrive au pouvoir, c’est la façon de l’exercer. Cet acharnement à bafouer la démocratie pour ne pas donner d’éclaircissement n’est-il pas suspect ? Que diable y a t-il donc à cacher ?

À vous de vous faire votre propre opinion maintenant.


  1. Pour mémoire, « le coût global de l’opération est estimé, fin janvier 2021, à 3 398 000 euros HT dont 1 793 500 HT pour la rénovation du bâtiment administratif de la mine. In Plaquette Pont-Péan, p5 – Le Financement, Bâtiment de la mine, une histoire à réhabiliter, un avenir à co-construire.et entre l’APS et l’APD, un certain nombre de plus-values sont apparues… soit 549 000 euros HT, ce qui fait un APS initial à 2 849 000 euros HT. https://www.calameo.com/read/000886227eccee6696a19 – voir aussi plaquette imprimée ↩︎
  2. Résultats des élections municipales et communautaires 2020 https://www.interieur.gouv.fr/fr/Elections/Les-resultats/Municipales/elecresult__municipales-2020/(path)/municipales-2020/035/035363.html ↩︎
  3. Pour mémoire, Le maire et son premier adjoint à l’urbanisme affirmaient le 26 janvier 2021 dans OF « Fin 2021, ce sera le démarrage des travaux du projet  » important  » de réhabilitation et d’extension de l’ancien bâtiment administratif de la mine ». Avril 2024, la première pierre n’est pas encore posée. Et ils précisaient plus loin « Ce nouveau lieu aura « un espace muséal » et inscrit ainsi sa place dans Rennes métropole comme destination touristique ». https://www.ouest-france.fr/bretagne/pont-pean-35131/pont-pean-rehabilitation-de-la-mine-l-aboutissement-d-un-projet-de-vingt-trois-ans-7131499 ↩︎
  4. Les architectes, sur de l’ancien situent habituellement le surcoût autour de 15 % selon l’état du bâtiment. ↩︎
  5. Terrain de football synthétique, bâtiment des associations au Pont-Mahaud, … autant de projets, autant d’engagements de campagne, qui ont déjà dû être abandonnés malgré les promesses pour réaliser quoiqu’il en coûte ce projet de la mine sans que les citoyens ne soient jamais véritablement informés ou consultés. ↩︎
  6. Dérive budgétaire et conseillers asservis https://capsentis.tv/blogs/chroniques_pont_peannaises/derive-budgetaire-et-conseillers-asservis/ ↩︎

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